Le recensement anglais de Pondichéry en 1796 et la déportation des Français de Pondichéry en 1799.
Le recensement de la population
française résidant à Pondichéry entrepris en
1796 par les autorités anglaises est le premier recensement nominatif
de la ville dont on ait conservé la trace. Les enquêteurs
anglais ont noté rue par rue, non seulement le patronyme de chaque
famille, accompagné du nombre de personnes, d'enfants ou d'élèves,
mais également le nombre de domestiques ou d'esclaves dont disposait
chaque famille. Il s'agit donc d'un document unique, qui nous restitue
un état de la population européenne et de la population "mixte"
de la ville de Pondichéry en 1796, c'est- à-dire presqu'à
mi-parcours des deux siècles trois quarts de présence française
(1673-1954) sur ce sol indien. Pour l'infime minorité de personnes
(dont le nombre peut être estimé de manière très
grossière à environ 10 000 aujourd'hui) susceptibles de rechercher
leurs ancêtres Français en Inde, il pourra servir de document
de base. Ces personnes pourront également exploiter la liste
des 228 citoyens électeurs ou éligibles de la municipalité
de Pondichéry établie en 1792, ainsi que la liste
alphabétique des patronymes des cimetières européens
de Pondichéry fournie sur ce site, et consulter les adresses
où
entreprendre une recherche généalogique (et historique) concernant
leurs ancêtres français ayant vécu aux Indes.
Les historiens et les sociologues
y trouveront très certainement matière à analyse,
notamment dans la façon qu'ont eue les anglais d'envisager ce recensement,
leurs objectifs et leurs résultats.
La capitale des Indes françaises
était tombée aux mains des troupes anglaises commandées
par le colonel Braithwaith en 1793, le 23 août précisément,
après une résistance de 13 jours. L'occupation anglaise de
Pondichéry, la dernière qu'aura à subir cette ville,
durera jusqu'en 1816 - si l'on exclut le bref intermède de juillet
à septembre 1803, consécutif au traité d'Amiens. Ce
n'est que le 4 décembre 1816 que l'administration anglaise rendra
officiellement à la France Pondichéry, respectant ainsi les
termes du traité de Paris du 30 mai 1814, confirmé par celui
du 20 novembre 1815.
C'est manifestement à
des fins de surveillance policière que les autorités anglaises
entreprirent de recenser très précisément et de manière
nominative les habitants français de Pondichéry. Les hommes
valides en particulier seront comptés indépendamment des
familles (cf. ici le tableau : suite 5). La
crainte principale des Anglais tenait dans l'aide éventuelle que
les Français étaient susceptibles d'apporter au sultan de
Mysore, Tippou Sahib, dernier obstacle à leur domination dans le
sud de l'Inde. Cette crainte était d'autant plus justifiée
que Tippou Sahib avait multiplié les contacts avec les Français,
notamment par l'intermédiaire du corsaire Ripaud de Montaudevert,
qui jouait alors les agents secrets révolutionnaires. Les Anglais
se serviront de ce recensement, répété sommairement
en 1798-1799, pour expulser tous les Français valides de Pondichéry
en février 1799 sur le vaisseau Le Triton en partance pour
l'Europe, et disperser le reste de ses habitants dans la région,
au moment de livrer l'assaut
final contre Tippou Sahib dans son fief de Seringaptnam. Le sultan
mourra les armes à la main le 4 mai 1799.
Avant l'opération militaire
dirigée contre Tippou Sahib, le commandant militaire de Pondichéry,
le capitaine R.M. Grant, dressa deux listes principales des citoyens du
comptoir français, en se basant sans doute sur le recensement précédent.
La première donnait les
noms des indésirables, les plus rétifs étant marqués
d'une croix, la seconde celles des individus considérés comme
non dangereux, voire coopératifs. Un signe indiquait les familles
recevant des subsides du gouvernement anglais, un autre indiquait les enfants
mixtes d'Européens et d'Indiens.
Après quoi l'opération
de déportation se fit assez brutalement : les cas récupérables
furent déportés vers Pounamalê, base militaire à
l'ouest de Madras, tandis que les réfractaires furent déportés
sur le navire le Triton. On trouvera en annexe deux récits
laissés par les Français (première
lettre ; deuxième et troisième
lettres ) qui atteignirent Calais après un voyage en mer hasardeux
où beaucoup périrent, récit qui appuyait la demande
d'un secours financier.
Les topas ou gens à chapeaux (1) sont au nombre de 461 au 31 décembre 1823. Achille Bédier ajoute :
"On a déjà dit que le total de 461 individus peut être augmenté de 292, ce qui porte cette population à 753"Pour le chiffre de la population indienne de Pondichéry, Achille Bédier se réfère à un recensement anglais effectué en 1816 et qui dénombrait 15 295 habitants.
Les Archives d'outre mer conservent
une copie du recensement anglais de 1796 sous la cote 2215.
Cette copie, selon Edmond Gaudart qui a établi un Catalogue des
Manuscrits des Anciennes Archives de l'Inde française , appartenait
à la famille Pernon. Elle est vraisemblablement contemporaine du
document
anglais original. Une Jany Elisabeth Durhône, veuve Pernon, ayant
épousé en 1808 le gouverneur anglais de Pondichéry,
M. Ernest William Fallofield, il n'est pas extravagant de supposer que
c'est par l'intermédiaire de cette veuve Pernon que le document
nous est parvenu.
Afin de permettre une recherche
aisée et rapide, une simple liste des
patronymes extraits du recensement est fournie d'abord.
Le recensement
proprement dit a dû être artificiellement tronqué
en 7 tableaux.
Le premier chiffre des tableaux
indique le nombre de personnes composant la famille ou les "élèves"
(enfant étranger à la famille mais élevé en
son sein). Le second chiffre indique le nombre de "domestiques ou d'esclaves".
L'orthographe, celle des patronymes
et des prénoms a été respectée, ainsi que les
abréviations, dans la mesure du possible. Lorsque le patronyme nous
était connu par ailleurs sous une graphie mieux avérée
ou plus complète, cette correction ou cette graphie est reproduite
entre crochets et en italiques.
Le passage aux habitants topas
de
la ville, est indiqué dans notre tableau, quoique ce passage ne
se trouve pas sur le document original : il ressort simplement du décompte
des habitants, feuillet par feuillet.
En revanche, bien que les "métis"
aient été décomptés séparément,
il ne nous a pas été possible de retrouver sur le document
original une marque ou un indice particuliers ou encore une quelconque
démarcation entre "métis" et "population blanche".
En dehors de la copie dactylographiée
de ce document, nous avons mis à profit les possibilités
que nous donnent l'informatique et en particulier le langage html pour
le traiter sous forme d'un tableau récapitulatif.
Il suffira de "cliquer" sur le nom d'une rue pour faire apparaître
la liste de ses habitants, ainsi que - dans la mesure où nous les
connaissions - les changements successifs de dénomination de la
dite rue.
Estimant que le nombre de domestiques
ou d'esclaves par famille constituait un critère convenable de leur
train de vie, nous avons effectué un classement
des rues de Pondichéry en fonction de leur richesse. Ceux qui
souhaiteraient savoir où se situent les rues en question, pourront
consulter un plan
de Pondichéry contemporain (il est possible d'effectuer un zoom
sur différents quartiers). Il faut savoir que le plan de la ville
de Pondy s'est très peu modifié depuis le XVIIIe
siècle.
Enfin, les chiffres
globaux de la population européenne et mixte de Pondichéry
sont fournis dans le recensement lui-même. Le calcul à partir
des données de la copie française fait apparaître des
valeurs légèrement différentes, que nous avons reportées
dans un tableau comparatif.
On ne relève dans ce
recensement aucun patronyme à consonance anglo-saxonne, à
l'exception de celui de Joseph Jacques André White, né à
Chandernagor, qui était le fils d'un Irlandais de Limerick, disparu
en mer lors du voyage qui devait le ramener en Irlande, et d'une Bretonne
nommée Jeanne Loudéa.
Les alliances entre familles françaises
et anglaises commencent pourtant à Pondichéry durant cette
ultime période d'occupation anglaise. Un siècle plus tard,
le recensement de 1897 dénombrera 34 Anglais et 36 descendants d'Européens
anglais sur les 920 Européens et les 1 757 Créoles eurasiens
recensés à Pondichéry (2).
A noter, dans le recensement de
1796, la présence d'un citoyen américain, Charles Imbert,
aubergiste de son métier.
Accès au recensement proprement dit
(1) "Les topas ou gens à chapeaux forment une classe distincte dans la population de Pondy. Ils proviennent du mélange des Européens avec les femmes du pays et des Indiens qui ont renoncé à leur castes". Achille Bédier op. cit. p. 58
(2) Source : Camille Guy - Notice sur les Etablissements français de l'Inde. Paris, impr. F. Levé. 1900.
[Patronymes
du recensement] [Patronymes du cimetière]
[Recensement
1] [Recensement 2][Recensement
3][Recensement 4][Recensement
5][Recensement 6][Recensement
7]
[Classement
des Rues de Pondichéry]
[Adresses]
[Liste
des électeurs 1][Liste des électeurs
2]
[Lettre
des déportés 1] [Lettre des déportés
2]
[ Petite bibliothèque contemporaine
]
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2002
1998 © Jean-Claude
Féray